Film documentaire de Philippe Borrel
Au départ, il y a cet élan humaniste apparu au sortir de la seconde guerre mondiale, qui vise à ouvrir les asiles. Ainsi, pendant plus de 40 ans se développe une psychiatrie « désaliéniste » : on permet aux fous d’aller et venir hors des hôpitaux, ils vivent dans la société, peuvent l’enrichir ou au moins y trouver leur place. Ensuite, il y a ces fermetures de lits en psychiatrie publique, 50 000 depuis les années 1970, et une institution débordée pour accueillir ceux qui, faute de soins, se retrouvent à la rue ou parfois même en prison.
Alors, juchée sur ce constat et dans un glissement sémantique bien senti, la folie, dans la bouche de nos dirigeants, est devenue une vraie maladie, une maladie qu’on soigne, qu’on éradique comme un virus grippal trop dangereux. Vous comprenez, la folie ça ne sert à rien et les belles idées, ça coûte des sous, aujourd’hui le temps presse, bienvenue dans l’ère de la « Santé mentale » !
Philippe Borrel dans son film va à la rencontre de ceux qui vivent cette folie : les patients, le personnel soignant mais aussi les spécialistes qui pensent la folie et pas toujours selon les mêmes critères, nous le verrons. On découvre, effrayé, les nouvelles technologies de la neuropsychiatrie, un pendant du courant comportementaliste qui nous contraint à ne plus délirer du tout, ça fait un tabac outre-Atlantique et ça arrive chez nous. Philippe Borrel s’en va filmer les élèves d’une école italienne que l’on teste avec un logiciel qui permet (à coup sûr…) de dépister la folie chez l’enfant. Ça ressemble de très près au test qui détecte les répliquants dans Blade Runner sauf que là ce n’est pas une fiction et qu’il s’agit de gamins de CE2. On parle même d’un pacemaker cérébral qui rectifie les émotions, plus moyen d’être dépressif, paraît même qu’avec ça on a accès à la 3D sans lunettes… Un bonheur insoutenable…
France - 2009 - 1h07 - 1,19Go résolution HD 720p (1280X720)
Un monde sans fous ?, c’est aussi un livre de Philippe Borrel aux éditions Champ Social. À voir aussi le site du Collectif des 39 Contre la Nuit Sécuritaire, où vous pouvez signer la pétition de l’Appel des 39.
Note sur le réalisateur Philippe Borrel :
Depuis dix-huit ans, il sillonne de nombreuses fois la planète en privilégiant toujours les histoires les plus humaines, réalisant des reportages au long cours diffusés sur les chaînes françaises. Diplômé du Centre de Formation des Journalistes après un passage par Sciences-Po Paris, il a commencé à exercer son premier métier de Journaliste Reporter d’Images en partageant son temps entre La Marche du Siècle / Théopresse et l’agence CAPA. Jeune reporter, il a ainsi aiguisé son regard, passant des ghettos américains au couvre-feu algérien, des cités miséreuses de banlieues universelles à la Bosnie ravagée par la guerre.
En 1993, il reçoit le Prix du jeune reporter au Festival international du scoop à Angers pour Les orphelins de Billancourt, un film à la rencontre des derniers ouvriers de l’Ile Seguin. Jusqu’en 2000, il a collaboré, en électron libre, à de nombreux magazines toutes chaînes confondues Il travaille régulièrement avec l’équipe de 2P2L notamment pour C’est ouvert le samedi et Un monde de brutes ? sur Canal+.
Son précédent film, Prison à domicile, explorait sans commentaire la surveillance électronique, alternative à la prison de plus en plus utilisée aux Etats-Unis et en Europe. Pistés par nos gènes, était un documentaire d’investigation scientifique sur la généalogie génétique, les dérives du fichage ADN et l’inquisition biométrique. Not in Our Name !, contrechamp dans l’Amérique de Bush et exploration subjective du mouvement anti-guerre américain. Il a été plusieurs fois primé dans les festivals. Il s’agissait d’un premier film personnel sur un thème qui lui tient à cœur : explorer le hors champ médiatique, donner la parole à ceux qui ne l’ont plus ou ne l’ont jamais eue.