Les rêves dansantsFilm documentaire d’Anne Linsel et Rainer Hoffman, avec Pina Bausch, Jo-Ann Endicott, Bénédicte Billiet et 40 jeunes danseurs…

Qu’on aime ou pas Pina Bausch, qu’on soit accro à la danse ou pas, ce film emballant est un vrai bonheur, qui va bien au-delà d’une simple histoire de chorégraphe… Pina Bausch, à quelques mois de sa mort, avait eu l’idée géniale de reprendre son fameux spectacle Kontakthof, et cette fois sans sa troupe mais avec une bande d’adolescents même pas danseurs, qui n’étaient jamais montés sur scène, qui avaient juste envie de participer, tremblants de trouille de n’être pas à la hauteur… Débuter avec une telle icône, reconnue, aimée, adulée dans le monde entier, on conçoit que la chose peut filer le frisson.
Ils viennent de tous horizons ces grands gamins, de toutes sortes de milieux et à travers ce spectacle en train de se tricoter, on voit les contacts se nouer, les personnalités s’affirmer. Il est ici d’abord question de choses très humaines, car chacun déboule avec son histoire, ses fragilités, ses incertitudes, sa méconnaissance de la culture de l’autre, ses angoisses devant l’amour, la mort… et toutes ces choses qu’on découvre et contre lesquelles on s’éprouve quand on a entre 14 et 18 ans.

On est là en plein dans la manière très particulière d’aborder la danse qui a fait la marque de fabrique de Pina Bausch, cette façon de travailler avec le matériau humain, ne forçant pas les corps mais s’adaptant aux possibilités des uns et des autres, interrogeant sans cesse les danseurs sur leur vie, leur passé… revenant constamment à ce qui a toujours fait le coeur de son travail : les émotions, la communication entre hommes et femmes… exprimés dans des déplacements qui paraissent spontanés à force d’être répétés, des mouvements d’une grande fluidité. Les filles ont des longues robes souples et soyeuses, les garçons portent costumes stricts et cravates…
Le film accompagne le processus des répétitions jusqu’à la première, et on mesure peu à peu ce que ce formidable travail collectif apporte à chacun jusque dans le plus intime de sa vie et combien ce labeur de toute une année peut être une formidable machine à épanouir, à décoincer, à forcer les barrages. On est dans la construction collective, certes, mais aussi dans l’écoute individuelle. La « terrible » Pina assiste à la sélection première, puis à quelques répétitions décisives, et on sent bien à quel point cette grande prêtresse de la danse contemporaine intimide et séduit à la fois. On découvre comment, en quelques commentaires, quelques regards, elle parvient, avec l’aide de deux merveilleuses danseuses de sa troupe, Jo-Ann Endicott et Bénédicte Billiet, omniprésentes au quotidien, à insuffler cette chose si bizarre qui est la force créatrice d’un groupe en osmose avec un leader aimé et admiré.

Il y a des moments doux, d’autres plus agressifs et dans ce condensé de vies personnelles, d’expériences individuelles, le talent des réalisateurs est de nous intéresser constamment aux personnes tout en nous donnant à sentir la progression de l’oeuvre, jusqu’à la maitrise finale, où chacun, prenant de l’assurance s’épanouit, se pose dans le groupe jusqu’à lui donner une harmonieuse cohérence. Et c’est fichtrement beau et fort. Pina Bausch est partie juste après au paradis, le 30 juin 2009, faire danser d’autres anges…

Allemagne - 2009 - 1h30 - VOSTF - 1,1Go résolution DVD - Jour2Fête