Armadillo.jpgFilm de Janus Metz - Grand Prix de la Semaine de la Critique au Festival de Cannes en 2010.

Disons-le tout net, Armadillo est un film sidérant, sans exagérer. On suit quelques jeunes Danois depuis leur nid douillet Ikea de la banlieue de Copenhague jusqu’aux montagnes hostiles d’Afghanistan, engagés pour une guerre lointaine de plus en plus meurtrière alors qu’elle était présentée comme une promenade de santé. Le film s’ouvre comme s’ouvrait Apocalypse Now - plans en surimpression au ralenti d’hélicoptères en vol, sur fond du This is the end des Doors -, posant d’entrée de jeu les questions de la déréalisation de cette guerre et de son enlisement semblable à celui du Vietnam.

On suit Mads, le gentil garçon à sa maman, et Daniel, son négatif, le meneur de service, la baraque à grande bouche. Il y a le traditionnel repas de départ, un moment bien silencieux, où tous les proches ont plus la gorge nouée par l’angoisse que par la fierté patriotique. Et la dernière biture entre potes. Puis, au petit matin, le rendez vous en treillis dans un aéroport tout propre. Pour, quelques heures plus tard, en retrouver un qui l’est un peu moins, puis le fort où ils vont vivre en vase clos pendant quelques mois, en l’occurrence le fort Armadillo (armadillo, c’est le nom anglais du tatou, cet animal craintif protégé exclusivement par sa carapace), solidement planté sur une ligne de front au milieu de nulle part… Commence alors l’interminable attente ponctuée de nouvelles pas très rassurantes, puis les premiers contacts au départ chaleureux avec la population civile, et puis, sans prévenir, les premières salves, les premiers blessés, les premiers shoots d’adrénaline, les premiers ennemis tués.
Admirablement mené, Armadillo pourrait être le pendant très réussi pour l’Afghanistan du Full Metal Jacket de Kubrick pour comprendre l’évolution de ces jeunes arrachés à leur univers douillet et qui sont censés devenir en quelques semaines des bêtes de guerre, capables de tuer sans trop d’états d’âme… du moins apparemment. Mais l’ÉNORME différence, et c’est là que le film est littéralement extraordinaire, c’est que Armadillo est un documentaire ! La mise en scène, le montage, la photo, le rythme… n’ont rien à envier aux grands films de fiction sur le Vietnam, et quand on voit les jeunes soldats patrouiller et soudainement se faire canarder de partout, les balles sifflant autour du caméraman, on ne peut pas imaginer une seconde que le cinéaste a pris de tels risques. Eh bien si ! Janus Metz et son équipe sont de vrais cinglés !

Armadillo, c’est du cinéma embarqué, mais rien à voir avec les équipes de Fox News bien planquées au fond d’un char à l’arrière. Et si Armadillo existe, c’est aussi parce que le sens incroyable de la démocratie des Danois les pousse à autoriser à tout montrer à leurs concitoyens. Et le film, que l’on a injustement accusé de complaisance parce que volontairement au plus près des seuls Danois, montre au contraire de manière brutale les mécanismes implacables qui déréalisent la guerre, jusqu’au jour où l’ennemi est en face et bien réel et où les jeunes hommes basculent dans l’horreur. C’est secouant, c’est implacable. Et c’est justement parce qu’il est secouant et implacable qu’Armadillo est un plaidoyer pacifiste aussi fort.

Danemark - 2010 - 1h45 - VOSTF - 2,09Go résolution HD 720p (1280X720) - Distrib Films.