Medianeras.jpgÉcrit et réalisé par Gustavo Taretto - Prix du Public aux Rencontres Cinémas d’Amérique Latine à Toulouse en 2011. Comédie romantique toute en légèreté et subtilité, Medianeras (qui désigne les murs ou les maisons mitoyennes) est aussi, et surtout, une superbe réflexion sur le monde urbain à l’ère du virtuel.

Martin et Mariana vivent tous les deux à Buenos Aires, dans la solitude parmi quelques trois millions d’autres humains. Lui, concepteur de sites Internet travaille essentiellement chez lui et cela tombe bien car il est plutôt agoraphobe. Elle, architecte, peine à trouver un emploi et décore des vitrines en attendant. Les deux ont en commun d’essayer de se remettre d’une rupture amoureuse et d’habiter la même rue de la capitale argentine où ils se croisent, lui avec le petit chien abandonné par son ex, elle les bras encombrés de ses mannequins. Ils ne se connaissent pas encore mais fréquentent les mêmes endroits, se sont sans doute déjà frôlés, peut-être même observés, sans le savoir. Martin et Mariana vont se trouver, on le sait, c’est à la fois le point de départ du film et son point d’arrivée. Ces deux héros sont comme les petits personnages de ce livre vendu dans le monde entier où il faut retrouver le garçon au pull marin rayé rouge et blanc (en France il s’appelle Où est Charlie ?, en Argentine Wally) au milieu de la foule, entre les voitures, le camion-poubelle, la mamie qui promène son chien, la poussette, le vélo. L’important n’est pas de trouver, mais de chercher et de voir les trajets, les fausses-pistes, les erreurs d’aiguillage qu’il nous faudra emprunter pour arriver au but, le garçon ou la fille au pull rayé.

Cela aurait pu être une bluette, comme Hollywood nous en abreuve si souvent, dont l’issue heureuse est attendue, sur la rencontre de deux êtres perdus dans une grande ville. Medianeras est bien plus que cela. Il y a d’abord ce monologue, qui ouvre le film, décrivant la ville dans un style à la fois poétique, sociologique, urbanistique. La pertinence des idées que ce monologue surprenant développe lui donne une force extraordinaire et transforme totalement le ton de cette comédie romantique. Une fois les deux personnages présentés, dont on a compris tout de suite qu’ils finiront par se rencontrer et s’aimer à coup sûr, on peut s’attacher à suivre leurs pérégrinations en parallèle dans la jungle urbaine de Buenos Aires. Et c’est là que nous allons de surprises en surprises car le jeune réalisateur Gustavo Taretto développe son récit avec une imagination foisonnante, imprévisible, qui nous fait découvrir ses personnages et une ville comme rarement un cinéaste l’aura fait.

Medianeras-01.jpgLes deux acteurs sont époustouflants, Pilar López de Ayala campe une Mariana émouvante et drôlatique, Javier Drolas un Martin « geek » dépressif et paumé. Pourtant, les sujets à réflexion ne sont pas éludés, que ce soit la solitude, le désarroi de la jeunesse ou l’urbanisation comme reflet d’une société. Ils sont aussi traités avec la même précision que la description urbanistique de Buenos Aires de l’introduction. Le passage du réalisateur par la publicité lui a aussi appris l’importance du rythme dans le déroulement d’une histoire, pour que celle-ci garde sa fraîcheur et sa légèreté tout au long du film. Il s’ajoute à cette comédie si argentine une dimension universelle car cette histoire pourrait se déplacer dans bien des mégalopoles de la planète avec leurs avenues, leurs gratte-ciels rutilants de verre avoisinant des bâtisses délabrées, leurs foules anonymes stressées où l’on se côtoie sans jamais se rencontrer. C’est frais, romantique sans niaiserie, très joliment filmé et raconté par une voix off malicieuse… Ça donne envie de délaisser le clavier, la souris, l’écran pour aller cueillir l’essentiel.

Argentine - 2010 - 1h30 - VOSTF - 1,09Go résolution DVD - Jour2Fête - avec Pilar Lopez de Ayala, Javier Drolas, Inés Efron, Rafaele Ferro, Carla Peterson…