Take-Shelter.jpgÉcrit et réalisé par Jeff Nichols - Prix de la Critique internationale et Grand Prix de la Semaine de la Critique au Festival de Cannes 2011 – Grand Prix du Festival du cinéma américain de Deauville 2011

Take shelter est un grand film, tendu, intense, maîtrisé. Comme dans son précédent film, Shotgun Stories (également disponible en Vidéo en Poche), l’histoire prend place dans l’Amérique profonde, au cœur d’une famille de la classe moyenne, typique de cette Amérique qui bosse dur toute une vie sans jamais se plaindre et qui se retrouve en première ligne de la crise économico-financière qui frappe durement le pays. Sur ce terreau ultra-réaliste, Jeff Nichols fait naître une intrigue qui nous amène aux portes de la folie, flirtant même avec le fantastique, et qui sert de révélateur à la souffrance d’un individu, d’une famille et par extension au malaise de toute une société. Ce mélange assez étonnant entre chronique familiale, description d’une psychose et film catastrophe capte immédiatement notre attention. Et le mal de Curtis, le personnage central, se répand dans nos têtes sans jamais nous lâcher et nous tient en haleine d’un bout à l’autre du film. Le titre prend alors tout son sens, « Se mettre à l’abri », un avertissement valable pour nous également !

Une petite ville au fin fond de l’Ohio, le vent souffle dans les branches d’un arbre, le ciel s’assombrit dangereusement, une nuée d’oiseaux fuit une menace imminente, une tornade se forme, prête à tout dévaster sur son passage… Et Curtis La Forche se réveille en sursaut, s’évadant d’un violent cauchemar qui ne cesse de hanter ses nuits. Curtis mène pourtant une vie paisible, entouré de Samantha, sa femme aimante, de leur petite fille Hannah, atteinte de surdité, et d’un brave chien qui vient compléter le tableau familial. Il a un bon job de contremaître sur des chantiers de forage, un bon pote sur lequel il peut toujours compter et, en bon catholique, il va à la messe toutes les semaines. Mais cette menace d’une tornade l’obsède, comme si la récurrence de ces visions était prémonitoire. Et peu à peu son comportement inexplicable fragilise son couple, provoque l’incompréhension de ses proches. Mais rien, ni l’apaisement que tente de lui apporter Samantha, ni la crainte de remettre en question l’équilibre familial, ne peut vaincre la terreur qui l’habite…

L’interprétation de Michael Shannon (déjà présent dans Shotgun stories et vu récemment dans Boardwalk Empire, l’excellente série de Scorsese) est saisissante, sans jamais tomber dans l’exagération. Et Jessica Chastain, déjà mère lumineuse dans The Tree of life de Terrence Malick, apporte le calme, la douceur, la sensibilité, contrepoint nécessaire à la folie de son mari. Car les images impressionnantes des visions de Curtis créent peu à un peu un climat de malaise qui donne toute sa force, toute sa dimension au film. Jeff Nichols signe une mise en scène parfaitement anxiogène et nous propose, au-delà de la description parfaitement crédible d’une pathologie individuelle, une métaphore de ce qu’il se passe en ce moment aux États-Unis et un peu partout dans le monde : cette « crise » qui détruit petit à petit les foyers, brise les familles, pousse les gens hors de leur maison, les prive de boulot… sans que personne ne puisse arrêter cette force invisible. Avec ce Take shelter de haute volée, Jeff Nichols signe définitivement son entrée dans la cour des grands, de ceux dont on attend décidément le film suivant avec impatience… Ça tombe bien, Mud sort en salles le 1er mai.

USA - 2011 - 2h01 - VOSTF - 2,55 Go résolution HD 720p (1280X720) - AD Vitam - avec Michael Shannon, Jessica Chastain, Tova Stewart, Shea Whigham, Katy Mixon, Kathy Baker…