Aaltra.jpgUn road-movie écrit, réalisé et interprété par Benoît Delépine et Gustave Kervern

En 2004, dans le plat pays cinématographique, déboulait enfin une comédie française (mâtinée de belge il est vrai) qui sortait des sentiers battus, explorant de nouveaux territoires, proposant un ton original. Enfin un vrai film comique d’auteurs drôle (et pas qu’un peu !), tout en posant un regard sincèrement inquiet et profondément généreux sur la destinée humaine. Aaltra, fable féroce, allégorie déchirante, road-movie déconnant qui sait avoir du chien en le faisant exprès, avec son noir et blanc stylisé, ses longs silences, ses cadrages inspirés, son rythme imprévisible, ses vannes qui savent prendre leur temps et qui vous clouent sur place. Responsables de cette jubilatoire révolution culturelle : Benoît Delépine et Gustave Kervern qui réalisèrent ici leur premier film. De purs produits de la télévision, qui mène à tout à condition de ne pas s’y laisser enfermer. Les Guignols au temps de leur splendeur puis Groland pour le premier, Le Plein de super (émission rock) puis Groland aussi pour le second, les deux acolytes ont fait leurs armes dans l’écriture et l’interprétation de sketches. Ils ont eu l’audace et la rigueur de ne pas chercher à exploiter le filon en passant au grand écran : Aaltra n’est pas une succession de gags, c’est un vrai film, avec des personnages et des idées qui tiennent de bout en bout. Vous verrez que l’ombre (et même un peu plus) du grand Kaurismaki plane sur le film : Delépine et Kervern ne se montrent pas indignes du génial Finlandais et ceci n’est pas un mince compliment…

Ben et Gus sont voisins, l’un est cadre, l’autre paysan. Pas vraiment méchants, pas vraiment gentils non plus : pusillanimes, amers et mauvais coucheurs, un peu cons, quoi ! ils ne peuvent pas se blairer et ne manquent pas une occasion de se le faire savoir. C’est le bruit du tracteur de Gus qui couvre la musique de Ben, la moto de Ben qui stresse les poules de Gus… La détestation du voisin parce qu’on ne s’aime pas soi-même… La routine. Car Ben et Gus ont un point commun : ils dépriment. Leur boulot, la banalité de leur vie… Prêts à péter un câble et n’en pouvant plus de se détester sans se le dire en face, ils en viennent aux mains. Mais le pugilat tourne court : c’est la benne, un peu pourrie, de Gus, là, juste à côté d’eux, qui leur tombe dessus et leur écrase les jambes. Grâce à dieu et à sa grande miséricorde, ils s’en sortent, se retrouvent dans la même chambre d’hôpital (avec Pierre Carles comme chirurgien : fendard !) et ensuite dans deux chaises roulantes jumelles. Une tentative ratée de suicide plus tard, nos deux héros font des projets : Ben décide d’aller à Namur voir le Grand Prix de moto-cross et Gus de pousser jusqu’en Finlande pour casser la gueule au fabricant de cette benne de merde (« Aaltra », c’est la marque de l’engin). Le hasard continuant de s’en mêler, ils se retrouvent sur le quai de la gare et, contraints et forcés, partent ensemble pour ne plus jamais se séparer…

Commence alors une véritable épopée en fauteuils roulants à travers la Belgique, les Pays-Bas, l’Allemagne et la Finlande. Un périple inénarrable, ponctué de rencontres toutes plus atypiques les unes que les autres (les guest-stars jouent le jeu à la perfection), de mésaventures et de coups d’éclat, de moments de grâce et de coups de blues.

France / Belgique - 2004 - 1h30 - 1,04 Go résolution DVD - AD Vitam - avec en « guest stars » Pierre Carles, Jason Flemyng, Noêl Godin, Benoît Poelvoorde, Bouli Lanners, Christophe Salengro… et Aki Kaurismaki, l’ange tutélaire du film.