I-used-to-be-darker.jpgÉcrit et réalisé par Matthew Porterfield

C’est un très beau petit film, qui n’essaie à aucun moment de vous bluffer ni dans le récit ni dans la forme mais dont l’exquise délicatesse, la justesse des situations, le jeu remarquable de ses comédiens vont vous ravir. Un film qui va s’installer tout doucement dans votre esprit, qui mûrira, qui y restera durablement. C’était déjà le cas de l’étonnant premier film du cinéaste américain indépendant Matt Porterfield : Putty Hill (également disponible en Vidéo en Poche), qui mêlait fiction et documentaire pour essayer d’approcher et de comprendre un groupe d’adolescents de Baltimore chamboulé par la mort prématurée de l’un d’entre eux.

Ici nous sommes pleinement dans la fiction, le dispositif est plus classique mais le résultat est tout aussi splendide et profondément attachant. La situation est toute simple : Taryn, une jeune irlandaise venue aux États-Unis sur un coup de tête et sans trop prévenir ses parents, séjourne à Ocean Bay, une station balnéaire où elle a trouvé un job temporaire. Déçue par la lâcheté ordinaire de son boy-friend, elle fuit et vient se réfugier à l’improviste chez sa tante et son oncle à Baltimore, et c’est peu dire qu’elle tombe mal : le couple est en pleine séparation. Ils sont musiciens tous les deux, la femme, Kim, est encore en pleine activité tandis que le mari, Bill, semble en panne. Leur fille, Abby, est de retour à la maison pour les vacances universitaires et tente de cacher le désarroi que lui cause la situation en affichant une attitude volontairement agressive envers sa mère, qu’elle semble juger responsable du divorce… Autant dire que les retrouvailles entre Taryn et Abby, les deux cousines qui ont visiblement été très complices durant leur enfance, ne se font pas sous les meilleures auspices…

Il ne se passe rien de spectaculaire dans I used to be darker. Les impatients et les adeptes des scénarios bétonnés diront même qu’il ne se passe rien. Les autres sauront apprécier à sa juste valeur cette chronique sensible de la séparation sans violence mais pas sans douleur d’un couple d’artistes qui tente d’épargner en vain sa fille adolescente. Matt Porterfield trouve constamment le ton juste, filme toujours à la bonne distance, fait preuve d’une parfaite empathie envers chacun de ses personnages, sans intrusion, sans insistance, sans explications inutiles. Les acteurs sont formidables de justesse et de sobriété et restituent parfaitement les hauts et les bas que traversent leurs personnages : comme toute séparation, celle du film ne se déroule pas de manière linéaire, elle connaît ses moments de tristesse et de relative sérénité, de colère et de répit. Il y a aussi la très belle description de l’amitié profonde entre les deux cousines, amitié malmenée par le mal être d’Abby, Taryn ne pouvant pas forcément être tout le temps en phase avec les tourments de sa cousine.

Le charme du film doit beaucoup à la musique folk qui accompagne le récit, qui le nourrit. Une musique intimiste et mélancolique totalement en phase avec l’atmosphère familiale. Plusieurs morceaux sont donnés en intégralité, et ces séquences musicales sont d’autant plus fortes et authentiques que Kim Taylor et Ned Oldham, qui interprètent le couple en rupture, sont deux vrais guitaristes, compositeurs et chanteurs. Et des bons ! Authentique également le duo de jeunes actrices, Deragh Campbell et Hannah Gross, deux amies d’enfance qui avaient abordé Matt Porterfield après la première new-yorkaise de Putty Hill. Et leur amitié irradie et réchauffe la tonalité désenchantée de ce deuxième opus.

USA - 2013 - 1h29 - VOSTF - 1,1 Go résolution DVD - ED distribution - avec Deragh Campbell, Hannah Gross, Kim Taylor, Ned Oldham…