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Écrit et réalisé par Phan Dang Di.

Vietnam, au début des années 2000. L’Etat lutte contre la crise économique et la surpopulation. Originaire de la campagne, Vu, 20 ans, débarque à Saïgon pour étudier la photographie. Il loue une chambre dans une maison au bord du fleuve, partagée avec deux amis, Thang, serveur dans une boîte de nuit, qui vit de petits trafics, et Cuong, chanteur de rue. Armé d’un nouvel appareil photo offert par son père, Vu part à la découverte des environs. Le jeune homme est vite attiré par le séduisant Thang. Avec lui, il découvre le monde de la nuit et fait bientôt la rencontre de Van, une jeune femme qui rêve de devenir danseuse de ballet.

Avoir 20 ans à Saïgon au début des années 2000, c’était l’âge des possibles à plus d’un titre : la récente levée de l’embargo américain faisait changer la vie à toute vitesse, explique le réalisateur. Le film incarne ce moment charnière à travers une bande de jeunes gens, logés chichement au bord du Mékong. Un trio se détache : l’apprenti photographe, probable double de l’auteur, l’aspirante danseuse et le petit trafiquant. Une fille, deux garçons et trois possibilités, au moins : le désir circule, des nuits chaudes dans les boîtes de nuit, récemment ouvertes, aux siestes dans la nature, presque sur l’eau. L’angoisse existentielle et amoureuse flotte au-dessus des corps peu vêtus : qui aimer et comment trouver sa place, ou, à défaut, survivre, dans un monde qui se libère, pour le meilleur et pour le pire ?

Ce récit initiatique au pluriel, le cinéaste l’éloigne du film choral classique. Impressionniste, fluide, presque liquide, son style envoûte. La sensualité guide l’agencement et la teneur des scènes. Les sentiments et la sexualité des personnages se révèlent incidemment, au détour d’un plan, comme si on les découvrait en même temps qu’eux. Les virées dans la mangrove et sur le fleuve deviennent pure fantasmagorie, avec étreintes dionysiaques dans la boue, en pleine nuit. De sordides réalités affleurent aussi. Dans ce pays trop peuplé, on paie les hommes pauvres pour qu’ils se fassent stériliser : une menace et une tentation pour les personnages. Les scènes de chahut banal ou d’ivresse minable entre potes sont filmées, elles, comme des instants d’éternité. A cause de ce Saïgon en suspens, on pense à Marguerite Duras, forcément. Mais surtout aux deux cinéastes chinois qui ont le mieux perpétué son art de la langueur nostalgique : Tsaï Ming-Liang et Wong Kar-wai. Comme un film du second, Mekong stories pourrait s’intituler Nos années sauvages. (L. Guichard, Télérama)

Vietnam 2015 1h38 - VOSTF - 1,17 Go résolution DVD - Memento Films - avec do Thi Hai Yen, Le Cong Hoang, Truong The Vinh, Nguyer Ha Phong…