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Un film de Baltazar Kormakur, écrit par Baltazar Kormakur et Arnaldur Indridason, d’après son roman La Cité des Jarres.

Pour les amoureux du roman noir, la découverte du polar scandinave fut une révélation. Il y eut d’abord le suédois Henning Mankell et son commissaire Wallander, premier grand choc. Ensuite quelques auteurs talentueux, parmi lesquels le tout aussi suédois Äke Edvardson et son Erik Winter. Et puis, plus récemment, deuxième très grande claque avec l’islandais Arnaldur Indrididason et son Erlendur, entré d’emblée dans le petit cercle de nos (anti)héros polardeux de chevet (on n’oublie pas la folie Millenium, mais celui-là tout le monde en parle). Premier bouquin d’Indridason publié en France, La Cité des jarres s’incarne au cinéma dans un film d’autant plus fidèle à l’univers des romans que l’auteur lui-même a participé au scénario. Des paysages austères battus par un vent glacial qui montrent toute l’âpreté de la vie à l’islandaise, des villes qui semblent perdues au milieu de nulle part, des personnages habités par un sentiment de solitude oppressant. Comme dans tout polar lorsqu’il est bon, l’intrigue policière sert de révélateur aux tourments des êtres, à leur mal de vivre, surtout de vivre ensemble…

L’inspecteur Erlendur donc, policier vieillissant de Reykjavik, mal embouché, mal nourri, mal aimé, assailli par les doutes et le pessimisme qui collent à la peau des flics qui en ont vu autant que lui, enquête sur le meurtre d’un homme d’une cinquantaine d’années, qu’on a retrouvé chez lui le crâne fracassé. Il n’y a guère d’indices, ni suspect, ni mobile, seul fait notable: cette odeur nauséabonde qui se dégage de l’appartement de la victime, situé dans un immeuble construit sur d’anciens marécages… En fouinant un peu plus loin, un peu plus profond que les somme toute banales images pornographiques stockées sur l’ordinateur du mort, Erlendur déniche une photo dissimulée sous le tiroir du bureau. Un cliché en noir en blanc : une tombe, une croix, une petite chapelle en arrière plan. Et voilà les enquêteurs sur la piste d’une fillette de 4 ans, disparue vingt années auparavant, morte d’une maladie très rare…
Au cœur de cette enquête où le passé s’est invité sans demander la permission, ressurgit alors Eva, la propre fille d’Erlendur. Junkie en perdition, en mal d’amour, en mal de (re)père, elle vient taper à la porte de son paternel… un appel à l’aide dissimulé sous une demande d’argent. Secondé par une équipe hétéroclite et efficace, depuis longtemps habituée à ses humeurs sombres, suivant avec une ténacité vite obsessionnelle des pistes sinueuses, qui révèlent de bien étranges secrets enfouis depuis des décennies, Erlendur découvre l’existence de la « Cité des jarres », effarante collection de bocaux renfermant des organes, véritable fichier génétique de la population islandaise constitué depuis la fin du xixe siècle.

Polar passionnant, exploration aigüe des errements humains, Jar City est aussi une plongée sacrément dépaysante dans une Islande âpre, presque sauvage. Des bourgades hors du temps, des maisons perdues sur des landes austères, un climat gris et froid qui rendrait fou quiconque n’est pas né ici. Un pays impossible auquel on finit par s’attacher. Comme à Erlendur, flic invivable que vous aurez forcément envie de retrouver dans La Femme en vert, La Voix et L’Homme du lac, trois autres titres d’Indridason publiés en France.

Islande 2007 1h31 - VOSTF - 1,07 Go résolution DVD - Memento Films - avec Ingvar Eggert Sigurdsson, Agusta Eva Erlendsdottir, Björn Hlynur Haraldsson, Olafia Hrönn Jonsdottrir, Atli Rafn Sigurdarson…