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Film documentaire de Pierre Carles et Nina Faure

C’est un véritable tremblement de terre qui secoue en 2007 l’Equateur, petit pays d’Amérique Latine : un défaut de paiement ! Plus encore : le refus de payer une dette gonflée d’intérêts prohibitifs qui n’en finissent plus d’enfler. Un ancien ministre démissionnaire, Raphael Correa, remporte alors l’élection présidentielle, à la surprise générale, en décrétant tout de go qu’il a décidé d’en finir avec les injonctions du FMI (Front Monétaire International). Le dilemme en effet pour ce petit pays très pauvre était le suivant : fallait-il continuer à consacrer huit milliards de dollars par an au paiement de la dette et deux milliards au développement du pays en continuant d’engraisser des prêteurs qui faisaient déjà main basse sur ses ressources naturelles ou, convenait-il, au bout de réformes en profondeur économiques et sociales, d’inverser ce rapport ?

Aujourd’hui l’affaire est entendue : c’est huit milliards pour le développement et deux milliards pour les vautours. La pauvreté et les inégalités ont baissé fortement, tandis que la classe moyenne a doublé en huit ans grâce à d’habiles politiques de re-distribution. Mais on peut s’en douter, ce président dont l’ennemi était, pour de vrai, la Finance, ne s’est pas fait que des potos… On sait en effet que l’Amérique du Sud est depuis toujours la chasse gardée du géant américain du nord et plus généralement de tous ceux qui ont des picaillons à placer au plus haut taux possible, et cet aimable intérêt pour ces Amériques d’en bas s’est toujours caractérisé par une violence impitoyable contre tous les empêcheurs de laisser filer sans contrainte aucune le flux et le reflux des capitaux. On se souvient de tous ces rêveurs au destin contrarié : Arbentz au Guatemala, Allende au Chili, Manuel Noriega dit « face d’ananas » au Panama, Douglas Bravo au Brésil, Sandino au Nicaragua, des marxistes d’opérette de la petite Grenade délogés de vive force par les Marines, ainsi que du trépas violent de l’archevêque Romero, chantre de la « Théologie de la libération »… Autant dire que l’on ne peut douter aujourd’hui que tout est mis en œuvre ici bas pour se débarrasser, comme d’habitude, du président de ce micro état, auteur de surcroît de deux mauvaises actions supplémentaires : la rédaction de la constitution la plus démocratique au monde et la protection accordée à Julian Assange, le lanceur d’alerte hébergé depuis 2012 à l’ambassade d’Equateur à Londres.

Pierre Carles nous avait déjà régalé d’un premier opus sur Correa, Les Ânes ont soif, portrait d’un chef d’état progressiste en exercice avant qu’il ne soit trop tard : on rappelle que Raphael Correa fut victime d’une tentative de coup d’état en 2010, trois ans après son élection… L’ami Pierre Carles faisait dans ce premier film le constat assez sidérant, pour nous qui sommes nourris au lait tiède de la mamelle présidentielle hollandaise, qu’un président pouvait parler pour dire quelque chose et le faire. La chose, tout aussi facile à comprendre dans ce premier film, était que parler pour dire quelque chose et prendre la sotte habitude de le faire pouvait vous attirer de terribles inimitiés et de gros emmerdements. C’est ce que nous rapporte ce second film sur le président Correa, On revient de loin. Mais ce que nourrit aussi ce second opus, c’est le constat un peu triste que ce que l’on réclame en définitive à ce marxiste qui s’ignore, c’est ce qu’il ne peut donner, c’est à dire : la sainteté.

France - 2016 - 1h41 - 1,66 Go résolution HD 720p (1280X720) - CP Production.