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El Presidente

Un film de Santiago MitreDans le magnifique palais de la Casa Rosada à Buenos Aires, on pénètre à pas de velours, par la porte de service, en se faufilant derrière les employés de maison. Un univers feutré où chacun s’affaire dans les coulisses du pouvoir, rouage d’un mouvement perpétuel infernal à filer le tournis. L’on chuchote, l’on murmure… Si quelques-voix s’élèvent, c’est pour mieux entourer le nouveau Président de la République pris dans le tourbillon de cette ruche humaine – à moins que ce ne soit un véritable guêpier ? S’il n’est élu que depuis six mois, celui qui s’est forgé la réputation d’un homme du peuple « normal » pour mieux séduire n’en est pas moins un animal politique aguerri, à l’œil perçant et à l’intelligence acérée. Hernan Blanco (Ricardo Darín, impressionnant), sans…

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Le voyage de Lucia

Un film de Stefano PasettoLeur rencontre pourrait sembler caricaturale : deux opposées qui s’attirent comme des aimants dans un livre de chimie du premier cycle. C’est bien plus que cela. Elle, Lucia, brune, fine, élégante, classe… Le genre de femme à qui tout semble facile, qui attire naturellement le regard. Une que le temps qui passe n’écorche pas violemment et que les petites rides de la quarantaine rendraient encore plus touchante, si elle ne se montrait si distante, rigide, implacable. Impeccable comme son costume d’hôtesse de l’air, travail qu’elle s’évertue à conserver malgré les récriminations de son mari allergologue qui gagne bien assez pour deux. Son épouse reste un terrain inaccessible qui le dépasse lui et sa science. À tel point qu’il ira voir ailleurs comme on dit. C’est…

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Citoyen d'honneur

Un film de Mariano Cohn et Gaston Duprat.Inclassable ! Dès qu’on essaie de l’enfermer dans une case, ce film rebondit tout comme son personnage principal. Drôle et cynique sont les premiers mots qui viennent instantanément, mais ils restent bien insuffisants. Les réalisateurs n’ont visiblement aucune envie de brosser leurs spectateurs dans le sens du poil et c’est parfaitement réjouissant : c’est donc avec un plaisir sans partage qu’on se laisse embarquer dans leur univers déboussolant. Première mise en bouche amusée et grotesque : Daniel Mantovani se voit attribuer en grande pompe l’inestimable Prix Nobel de Littérature. Les spectateurs semblent écrasés par l’ambiance d’un somptueux théâtre paré de rouge profond, d’ors vieillissants et de vert antique. Devant la prestigieuse assemblée,…

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Un monstre à mille têtes

Un film de Rodrigo Pla (Prix du Public, Festival de Biarritz 2015).Le « monstre à mille têtes », c’est le libéralisme sans frein et et ses conséquences, c’est le système kafkaïen qu’il met en place, c’est la nouvelle bureaucratie de l’argent qu’il instaure. Rodrigo Pla, comme dans l’excellent La Zona qui nous l’a révélé (disponible aussi en Vidéo en Poche), s’attaque bille en tête au monstre, et c’est aussi rageur que captivant. Rodrigo Pla et sa scénariste ont été inspirés par le documentaire canadien The Corporation, qui décrivait l’action criminelle des multinationales (en particulier les sociétés pharmaceutiques ou liées à la santé) contre l’intérêt des citoyens. La mise en scène remarquablement rythmée et tendue renforce le propos. Elle oppose la course effrénée de Sonia à la froideur…

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Les vieux chats

Écrit et réalisé par Sebastian Silva et Pedro Peirano (qui nous avaient déjà donné en 2009 le savoureux La Nana, également disponible en Vidéo en Poche).Il faut imaginer la rencontre, à Santiago du Chili, de la comédie italienne cruelle — comme L’Argent de la vieille — et d’un mélo mère-fille tordu d’Almodóvar. La mère est octogénaire, vit avec son compagnon, un peu plus vaillant qu’elle, en haut d’un immeuble résidentiel. Deux chats ventrus règnent sur l’appartement rempli de bibelots. Tout de suite, le film est captivant dans sa manière d’investir les lieux comme par effraction, en silence, pour surprendre le couple âgé encore au lit, à peine réveillé…La Nana, le précédent film des deux auteurs, montrait le quotidien banal et invivable d’une bonne dans une famille bourgeoise. Ces deux-là…

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Une seconde mère

Écrit et réalisé par Anna Muylaert.Un film formidablement attachant, terriblement humain, qui vous charme grâce à son style fluide, léger, enjoué… Au bord d’une piscine bien proprette semble cheminer une caravane de jouets luxueux. Un bébé chien pataud gambade au milieu. Une femme à la peau mate s’occupe d’un môme aux cheveux sombres. Elle le regarde avec toute l’attention, toute la tendresse d’une mère qu’elle n’est pourtant pas. On le devine à sa façon un peu gauche de refuser de venir nager avec l’enfant, à sa tenue vestimentaire qui ne cadre pas avec le standing de la propriété, à sa manière de rester « à sa place »… Autant de signes qui trahissent sa condition de domestique interchangeable, hormis, peut-être, dans le regard du garçonnet qui la considère comme une seconde mère. Celle…

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Santiago 73, post mortem

Écrit et réalisé par Pablo Larrain (Sélection officielle, Festival de Venise 2010).Les films historiques ne sont jamais aussi forts que quand ils interrogent la Grande Histoire par le petit bout de la lorgnette, par le destin de citoyens lambda et anonymes qui subissent les faits et deviennent ou pas des héros (ou des anti-héros). Car les grands conflits, les révolutions et autres événements qui bouleversent le monde ne sont que l’addition des interactions entre les actes héroïques de quelques uns et l’inaction voire la lâcheté du plus grand nombre.Nous sommes en septembre 1973 au Chili, et face à une crise économique majeure, l’agitation contre le gouvernement socialiste d’Allende, élu en 1970, s’intensifie, animée par des classes moyennes et des syndicats instrumentalisés, activement…

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La Zona

Un film de Rodrigo Pla (Meilleur Premier Film Festival de Venise 2007, Prix de la critique internationale Festival de Toronto, Prix du Public à Montréal, Prix du meilleur film à Stockholm).C’est, au cœur de Mexico, une de ces cités protégées par des murs, au top de la modernité, avec paranoïa intégrée, caméras partout et milice privée… Un truc pour riches, au confort arrogant cerné par des quartiers pauvres, où végètent les largués de la croissance, affamés de naissance, marqués dans leur chair par un destin dont il faudrait être bien malin pour arriver à s’extirper. Le mur qui sépare ces deux mondes irréconciliables n’est pas seulement fait de barbelés et de béton, il exsude la haine et le désespoir, ces sentiments où savent si bien germer les malentendus chroniques, les jugements hâtifs,…

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Workers

Workers

Écrit et réalisé par Jose Luis Valle - Amphore d’or au Festival du Film Grolandais de Toulouse en 2013.On le sait depuis Buñuel, le cinéma mexicain sait dresser un portrait féroce de sa société et particulièrement de son extravagante bourgeoisie. Et on le sait depuis Zapata, les Mexicains peuvent avoir de très violentes mais très légitimes colères envers ceux qui prétendent les commander. Workers, grand film de lutte des classes cruel et pince-sans-rire, rassemble ces deux talents : une description terrifiante de l’inégalité sociale (le Mexique, pays pourtant en voie de développement, pouvait se vanter en 2012 de compter parmi les siens l’homme le plus riche du monde… avant qu’il ne soit détrôné de nouveau en 2013 par Bill Gates) et la vision d’une sourde violence des exclus qui menace…

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Jours de pêche en Patagonie

(Dias de pesca) Écrit et réalisé par Carlos Sorin. C’est un film tout en douceur et en retenue, un film de non-dits qui n’utilise les mots que pour exprimer ce qui n’est pas essentiel – l’important passe par le silence, ou par le regard –, un film qui ne la ramène pas, qui va son petit bonhomme de chemin. On reconnaît bien là l’art et la manière de Carlos Sorin, cinéaste argentin dont le titre du deuxième film sonnait comme un manifeste : Historias minimas, et qui connut un réel succès avec son savoureux Bombon el perro. Ne cherchez pas ici le bruit et la fureur, l’exaltation et la démesure, vous seriez déçus. Non, vous aurez ici la petite musique discrète – puisqu’on parle de petite musique, celle qu’a composée Nicolas Sorin pour le film est délicieuse – des vies ordinaires, des…

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Le dernier été de la Boyita

Écrit et réalisé par Julia Solomonoff. Ce beau film peut être vu en famille, avec des enfants à partir de 10 ans. L’été, c’est souvent le moment des grandes décisions, des grands changements dans la vie de chacun. Et pour les enfants ou les adolescents, l’été est le temps des premières fois, en même temps que les premiers pas sur le passage vertigineux vers l’âge adulte. Pour Jorgelina, qui doit avoir une petite douzaine d’années, cet été-là n’est pas comme les autres. Les années précédentes, elle avait l’habitude de jouer avec sa sœur aînée dans la « Boyita », une vieille caravane garée au fond du jardin. Mais aujourd’hui ses parents se sont séparés, sa sœur se prend pour une grande et la délaisse pour s’intéresser aux garçons, bref l’été familial n’a plus le même goût… Alors la petite…

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Cabeza de Vaca

Un film de Nicolas Echevarria, écrit avec Guillermo Sheridan, d’après le récit d’Alvar Nuñez Cabeza de Vaca. Il a y a fort à parier que, si un fâcheux incident n’avait pas interrompu provisoirement sa carrière, le destin d’Alvar Nunez Cabeza de Vaca eut été fort semblable à celui de ses plus célèbres collègues conquistadors : Herman Cortez ou Francisco Pizarro, respectivement tombeurs des empires aztèque et maya. Autrement dit un destin de serviteurs, fidèles mais intéressés, de la Cour d’Espagne et du Saint-Empire Germanique (nous sommes, dans cette deuxième décennie du xvie siècle, sous le règne de Charles Quint) qui, pour remplir d’or les caisses des galions espagnols, n’hésitèrent pas à pratiquer un terrible génocide sur des populations indigènes qui ne s’en relevèrent jamais, le tout…

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Alamar

Écrit, réalisé et monté par Pedro Gonzalez-Rubio - Tout un tas de sélections et de prix dans tout un tas de festivals, dont le Festival International de Rotterdam (Tiger Award) et les Rencontres des Cinémas d’Amérique Latine de Toulouse (prix de la Critique Internationale). Voici un de ces films venus de nulle part et qui pourtant nous amènent ailleurs… Sans que l’on s’en rende compte, nous voilà embarqués dans une histoire qui nous fait tout oublier, et nous plonge dans un autre mode de vie où l’essentiel se révèle peu à peu et nous apaise. Le temps prend alors une toute autre signification que celle qu’on lui donne dans nos vies citadines parfaitement définies, où l’on oublie trop souvent de s’arrêter sur ce que l’on vit et de prendre le temps d’observer ceux qui nous entourent. C’est un…

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Medianeras

Écrit et réalisé par Gustavo Taretto - Prix du Public aux Rencontres Cinémas d’Amérique Latine à Toulouse en 2011. Comédie romantique toute en légèreté et subtilité, Medianeras (qui désigne les murs ou les maisons mitoyennes) est aussi, et surtout, une superbe réflexion sur le monde urbain à l’ère du virtuel. Martin et Mariana vivent tous les deux à Buenos Aires, dans la solitude parmi quelques trois millions d’autres humains. Lui, concepteur de sites Internet travaille essentiellement chez lui et cela tombe bien car il est plutôt agoraphobe. Elle, architecte, peine à trouver un emploi et décore des vitrines en attendant. Les deux ont en commun d’essayer de se remettre d’une rupture amoureuse et d’habiter la même rue de la capitale argentine où ils se croisent, lui avec le petit chien…

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La Nana (la bonne)

Un film de Sebastian Silva (voir aussi Les vieux chats) - Grand Prix du Jury, fiction étrangère, au festival de Sundance en 2009Ne perdez pas une minute, faites connaissance avec Raquel et sa formidable interprète, l’incroyable Catalina Saavedra ! Raquel, c’est la boniche qui fait partie de la famille, « la nana » en espagnol, celle qui torche les gosses, leur donne le biberon, leur fait les tartines du goûter au retour de l’école, brique la maison, sert le repas avec ponctualité et discrétion, taciturne autant qu’impeccable… Et tout ça depuis si longtemps que personne n’imagine qu’elle puisse partir un jour ou avoir des états d’âme. On ne la confond tout de même pas avec la famille, parce qu’elle n’oublie jamais son rang, mais depuis 23 ans chez les Valdès, bourgeois pur jus issus de la…

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Mundo grúa

Écrit et réalisé par Pablo Trapero, Prix de la Critique à Venise en 2000 (premier long métrage de ce cinéaste argentin à qui l’on doit depuis notamment Leonera qui avait obtenu 8 nominations à Cannes en 2008). Avec son noir et blanc qui rappelle un certain cinéma qu’on a tant aimé dans les années soixante-dix, Mundo grúa est une chronique superbement mélancolique, une histoire très belle, très forte dans sa simplicité qui vous accroche sans jamais dramatiser, ancrée dans une réalité scrupuleusement observée et restituée, mais qui s’en éloigne par une rêverie volontiers malicieuse, par des trouvailles (de situation, de décor, de mise en scène) qui piquent la curiosité et provoquent l’émotion. Rulo, un ouvrier d’une cinquantaine d’années, voudrait devenir grutier sur un chantier. Pour…

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Les Toilettes du Pape

Les Toilettes du Pape

Écrit et réalisé par Cesare Charlone et Enrique Fernandez (5 nominations Festival de Cannes 2007) Dans la petite ville frontalière de Melo, le travail ne court pas les rues. Alors on pédale ! On pédale toujours plus pour que le truand local gagne plus… Parce que les seuls patrons qui embauchent dans le coin, ce sont les revendeurs de produits de contrebande. Alors Beto, qui a la chance d’avoir un vélo et de bons mollets, ne cesse de faire la navette entre son Uruguay natal et le Brésil tout a côté. Le vélo chargé à bloc, il essaie d’échapper aux douaniers dans un jeu de course poursuite digne d’une partie de « gendarmes et voleurs ». C’est pas que la vie soit triste, on fait aller et on se paye de belles parties de rigolade avec les copains, les voisins qui galèrent de la même manière.…

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